Né en 1977, Philippe Prouff vit et travaille à Paris. Cinéaste voyageur, il puise la matière de ses films dans sa découverte de lieux reculés. Son travail poétique de l’image s’exprime dans différents univers de création, de la mode à la musique, du documentaire à la fiction.

Sortir du nucléaire

Dans une autre vie, Philippe Prouff a travaillé pour le fleuron de l’industrie et de l’ingénierie française. Il a promu la maîtrise des risques de cette énergie et appris les ressorts des métiers de la communication. Il a bien entendu compris très tôt que ses aspirations réelles étaient ailleurs.

Il a alors vécu une de ces épiphanies professionnelles, un de ces moments déclencheurs où bascule d’un coup ce qui tient de l’onirique (je veux devenir cinéaste) et ce qui tient du réel (j’ai un boulot qui paie), qui est absolument capital pour comprendre son travail. Après un lent murissement, c’est la profession exercée qui est devenue un (mauvais) rêve sans avenir et les petits boulots sur des films sans le sou pour appréhender le métier de réalisateur qui se sont imposés comme le seul futur raisonnable.

Quoi de plus grisant mais aussi de plus mensonger que se déclarer artiste du jour au lendemain  ? Quel genre d’imposteur est-on à prétendre d’un coup avoir quelque chose à dire  ? Philippe a néanmoins commencé peu à peu à réaliser ses films, qui expriment tous à leur manière ce basculement absurde où aspiration et réel sont retournés comme un gant, et le bureau communication de la sûreté nucléaire n’est plus désormais qu’un vieux souvenir évanescent. Créer est pour lui une affaire absurde. Cette course entre l’absurde et le réel lui permet pour un court moment d’agrandir un peu les limites imposées du monde.

Quand il était encore très jeune, son père a brusquement perdu la mémoire et a oublié jusqu’au nom et à l’existence de ses enfants. Double leçon d’absurde très douloureuse : rien n’a plus de valeur que les souvenirs, et rien pourtant n’est plus ridiculement fragile et évanescent que les vérités les plus intimes sur lesquelles notre vie est fondée. Tout peut disparaitre à tout moment, jusqu’à mon nom… Documenter des aspirations qui pourraient bien tenir lieu de vérités intimes, et donc ultimes, est alors devenu une nécessité, une affaire d’une grande gravité.

L’inouï ou l’in-vu ne peut surgir qu’au prix du réel. Enchanter le monde impose de le regarder de biais, pour trouver le pli, l’accroc où on peut le prendre en défaut. Philippe Prouff a choisi l’imposture pour démasquer l’imposture du monde, et révéler au grand jour le complot du réel contre les faibles créatures qui le peuplent.

Guillaume Ollendorff

Privacy Settings
We use cookies to enhance your experience while using our website. If you are using our Services via a browser you can restrict, block or remove cookies through your web browser settings. We also use content and scripts from third parties that may use tracking technologies. You can selectively provide your consent below to allow such third party embeds. For complete information about the cookies we use, data we collect and how we process them, please check our Privacy Policy
Youtube
Consent to display content from - Youtube
Vimeo
Consent to display content from - Vimeo
Google Maps
Consent to display content from - Google